Le désir
Il existe une longue tradition morale qui condamne le désir parce qu’il ramène l’homme à l’état d’animalité. Que ce soit le platonisme, qui le réserve à la classe sociale la plus basse dans l’organisation de la République, ou le christianisme qui y voit un asservissement de l’esprit à la chair, le désir a subi historiquement une longue dissimulation morale, ainsi qu’une farouche condamnation de la part de l’Eglise. A l’origine, le désir est le constat d’une absence, doublé d’une idée de regret. Le désir manifeste donc à la fois l’absence et l’aspiration, le souhait, de recouvrer cette perte ou ce manque. Bien que lié au besoin, qui en est peut-être l’origine, il s’en distingue par plusieurs traits. Le besoin s’apaise dans la satisfaction, tandis que le désir semble insatiable, passant d’un objet à un autre. Il engendre des rêves et des phantasmes, il est producteur d’images mais il est également doté de sens, à la différence du besoin qui ne vise que la consommation et la satisfaction. Avant d’accéder au rang de question, le désir a souvent été considéré par la philosophie classique comme un problème sans doute parce que sa nature est contradictoire, ou ambiguë. A première vue, je désire ce que je n’ai pas : quelque chose me manque et j’en souffre. Toutefois, si le besoin, quand il n’est pas satisfait, semble être indéniablement une marque de la misère de l’homme, le désir, même s’il est bien l’ordre du manque, ne relève peut-être pas forcément de la même nature, car il ne s’agit pas d’un manque nécessaire. Cependant, il semble aussi compréhensible que la seule satisfaction des besoins ne suffise pas à l’homme. C’est de par là que se dégage le caractère singulier du désir, source de la condition humaine