Le Grand Meaulnes, un conte bleu1 réaliste ?
Gustave Lanson, célèbre critique littéraire du début du XXe siècle, voyait dans Le Grand Meaulnes
« un conte bleu qui prétend s’inscrire dans le réel ». La présente étude entend approfondir cette pertinente observation.
Ce roman d’Alain-Fournier publié en 1913 relève en fait de plusieurs genres : Le roman de terroir, le genre onirique, le récit autobiographique, le roman d’aventures et bien sûr le roman d’adolescence. Pourtant c’est bien cette alliance intime entre le récit merveilleux et l’inscription dans une réalité typée qui fonde son charme et a constitué son succès.
Henri Alban Fournier, qui fut d’abord poète avant d’être romancier, nous livre dans cet unique roman un texte éminemment poétique par les transformations qu’il opère sur le souvenir de lieux aimés, de lectures d’enfance et d’événements personnels fondateurs.
Le résumé de l’œuvre par le beau-frère d’Alain-Fournier, Jacques Rivière.
Un roman de terroir
Le grand Meaulnes s’inscrit d’abord dans la veine rustique ouverte par Georges Sand et se rattache ainsi au Rousseauisme et au mythe antique de l’Âge d’or. Le monde paysan y est, comme chez sa voisine berrichonne, plutôt caractérisé par ses sentiments purs et nobles. Il y est dépeint comme un lieu où le temps s'écoule paisiblement, rythmé par les travaux des champs et les fêtes villageoises. Il en reprend certains aspects merveilleux dans la mesure où quelques lieux apparaissent
« habités ».
Il en suit également la tradition idéaliste qui oppose l‘innocence campagnarde à la dépravation urbaine. Paris, la lointaine capitale, est évoquée une seule fois et discrètement par Valentine comme le lieu de la perdition : « je repartirai pour Paris, je battrai les chemins comme je l’ai déjà fait une fois, je deviendrai certainement une fille perdue, moi qui n’ai plus de métier 2. » Pour
Augustin, Paris, « c’est la ville déserte, ton amour perdu, la nuit interminable, l’été, la fièvre... »