Le grand meaulnes
Le Grand Meaulnes s’inscrit d’abord dans la veine rustique ouverte par Georges Sand et se rattache ainsi au rousseauisme et au mythe antique de l’Âge d’or. Le monde paysan y est, comme chez sa voisine berrichonne, plutôt caractérisé par ses sentiments purs et nobles. Il y est dépeint comme un lieu où le temps s’écoule paisiblement, rythmé par les travaux des champs et les fêtes villageoises. Il en reprend certains aspects merveilleux dans la mesure où quelques lieux apparaissent « habités ». Il en suit également la tradition idéaliste qui oppose l’innocence campagnarde à la dépravation urbaine. Paris, la lointaine capitale, est évoquée une seule fois et discrètement par Valentine comme le lieu de la perdition : « je repartirai pour Paris, je battrai les chemins comme je l’ai déjà fait une fois, je deviendrai certainement une fille perdue, moi qui n’ai plus de métier2. » Pour Augustin, Paris, « c’est la ville déserte, ton amour perdu, la nuit interminable, l’été, la fièvre… » Bourges surtout est vilipendée de manière plus appuyée. Alain-Fournier en décrit les abords de la cathédrale, le lieu sacré, comme maculés par la promiscuité de la prostitution : « Ces rues étaient étroites et souillées comme les ruelles qui entourent les églises de village. Il y avait çà et là l’enseigne d’une maison louche, une lanterne rouge3… Meaulnes sentait sa douleur perdue, dans ce quartier malpropre, vicieux, réfugié, comme aux anciens âges, sous les arcs boutants de la cathédrale. Il lui venait une crainte de paysan, une répulsion pour cette église de la ville, où tous les vices sont sculptés dans des cachettes, qui est bâtie entre les mauvais lieux et qui n’a pas de remède pour les plus pures douleurs d’amour. » Le Grand Meaulnes se rattache également, dans une moindre mesure, au courant réaliste à la suite de Balzac et de Zola, dans sa peinture du déterminisme social qui asservit les hommes à la terre, ou de la rudesse de certains comportements qui n’ont rien de