Le lecteur de enfance et w ou le souvenir d'enfance
Umberto Eco, dans son livre Lector in fabula, définit le concept de lecteur modèle, c’est-à-dire le destinataire postulé par l’écrivain pendant la création d’un texte. Le critique italien affirme que le texte sans lecteur résulte amputé, puisque il manquerait la dimension de la réception et de la construction au fil de la lecture : « Le texte est donc un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir, et celui qui l’a écrit prévoyait qu’ils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons. D’abord parce qu’un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire […] Ensuite parce que, au fur et à mesure qu’il passe de la fonction didactique à la fonction esthétique, un texte veut laisser au lecteur l’initiative interprétative, même si en général il désire être interprété avec une marge suffisante d’univocité. Un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner »[1]. Mais qu’est-ce qui se passe si le texte en question est une autobiographie ? Quel serait le lecteur idéal d’un « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité »[2] ? Jean Philippe Miraux, dans son œuvre L’autobiographie – Écriture de soi et sincérité, après avoir analysé les différents types de lecteur idéal pour les plus célèbres autobiographies (Saint Augustin, Rousseau, Leiris…), conclut en disant : « [L’auteur] Séparé de son texte devenu public, éloigné de son autobiographie par le temps ou la mort, il doit poser clairement les raisons qui l’ont poussé à écrire, mais il doit aussi clairement préparer la lecture de son œuvre en projetant, virtuellement certes, un lecteur idéal, une sorte de destinataire bienveillant capable d’accepter le projet scripturaire qu’on lui soumet sans en contester ni la pertinence, ni le bien-fondé, ni la