Le libre arbitre
« Schopenhauer opposait à cela le raisonnement suivant : puisque certains actes entraînent après eux du regret («conscience de la faute»), il faut qu'il y ait responsabilité : car ce regret n'aurait aucune raison, si non seulement toutes les actions de l'homme se produisaient nécessairement - comme elles se produisent en effet d'après l'opinion même de ce philosophe, - mais que l'homme lui-même fût, avec la même nécessité, justement l'homme qu'il est - ce que Schopenhauer nie. Du fait de ce regret, Schopenhauer croit pouvoir prouver une liberté que l'homme doit avoir eue de quelque manière, non pas à l'égard des actes, mais à l'égard de l'être : liberté, par conséquent, d'être de telle ou telle façon, non d'agir de telle ou telle façon. L'esse, la sphère de la liberté et de la responsabilité, a pour conséquence, suivant lui, l'operari, la sphère de la stricte causalité, de la nécessité et de l'irresponsabilité. Ce regret se rapporterait bien en apparence à l'operari et en ce sens il serait erroné, - mais en vérité à l'esse, qui serait l'acte d'une volonté libre, la cause fondamentale d'existence d'un individu : l'homme deviendrait ce qu'il voudrait devenir, son vouloir serait antérieur à son existence. - Il y a ici, abstraction faite de l'absurdité de cette dernière affirmation, un paralogisme : à savoir que, du fait du regret, on conclut d'abord à la justification, et à l'admissibilité rationnelle de ce regret, et ce n'est qu'à partir de ce paralogisme que Schopenhauer arrive à la conséquence fantaisiste de la soi-disant liberté intelligible. (Dans son essai sur le libre-arbitre, il semble qu'il ait corrigé cette absurdité). Mais le regret postérieur à l'action n'a pas besoin d'être fondé en raison, il ne l'est même pas du tout, car il repose sur la supposition erronée que l'action n'aurait pas dû se