Le mal
Il est des mots dont on abuse, et des questions dont on s’amuse. Dans la joie continuelle et frivole l’individu se complairait à vivre simplement si la Nature ne l’avait pas doté de l’outil unique autorisant la transcendance du réel : la conscience. La pensée réflexive, qui certes creuse un large fossé entre l’être humain et l’animal et constitue le socle des sociétés dans lesquelles nous vivons se veut néanmoins parallèlement la source intarissable des ennuis qui nous tracassent sans cesse. Car par delà les apparences, dissimulées sous les supposés égayements se cachent au plus profond des âmes des notions lourdes de sens, des problématiques difficilement abordables intellectuellement . Le Penseur de Rodin ne symbolise-t-il pas dans une certaine mesure la difficulté qu’a l’homme à les penser ? Leurs champs d’action sont divers et variés mais elles ont pour caractéristique commune de se démarquer de la masse des idées banales en manifestant toute leur complexité et leur obscurité à l’entendement . Que ce soit le concept de Mort, celui de Bien de Mal ou de Morale, tous nous poussent à approfondir nos réflexions. Ainsi le Mal se place-t-il comme le bourreau privilégié des êtres pensants ; le définir ? impossible a priori, sauf peut-être en procédant par la négation : le Mal se pose comme l’opposé du Bien. Cependant cet antithétisme n’apporte pas de réponse à la question posée, et non content de ne pas cerner la notion l’individu intelligent se retrouve bloqué par une aporie double. Penser le Mal, voilà une affaire délicate. Appuyons nous alors sur l’héritage que les siècles nous ont laissé : tant de fois le Mal a été combattu, on a cherché à l’éradiquer, à le mettre à distance traditionnellement pour des motifs religieux, tantôt en brûlant les « sorcières » tantôt en éliminant les Sarrasins. Exorciser pour guérir le Mal est aussi un moyen commun de s’en débarrasser. Mais ces agissements apportent-ils pour autant aucun éclaircissement sur l’entité en