Le mari de la coiffeuse
Seul face à son miroir, Antoine plonge dans sa mémoire. Il se souvient de son enfance, ponctuée de quelques souvenirs amers - tels ces slips de bain en laine que sa mère l'obligeait à porter sur la plage de Luc-sur-Mer -, et marquée par le plaisir trouble des rendez-vous chez la coiffeuse, la pulpeuse madame Shaeffer. Très tôt, Antoine s'est imaginé un destin bien particulier : devenir «mari de coiffeuse». La gifle cinglante infligée par son père n'y a rien changé et Antoine a accompli sa vocation. Dans le salon de sa femme, la belle et sensuelle Mathilde, qu'il ne quitte jamais, il coule des jours heureux, auprès des clients, habitués ou de passage...
Antoine
Dans son enfance Antoine aimait passer ses vacances sur la plage de Luc-sur-Mer et il était un garçon très curieux avec un sens du rythme particulier. Il aime danser aux mélodies orientales en secouant ses membres au rythme comme lui plaît, comme si par le biais du mouvement il comprend la vie et sa joie. Son autre joie est d’aller chez la coiffeuse, madame Schaeffer, une femme d'âge mûr avec les courbes voluptueuses et la peau crémeuse. Comparé à elle il n’était qu’une petite créature mais cela n'entrave pas sa fascination pour son corps, son odeur, le sens de ses mains par ses cheveux quand elle le lui lave. Dès son jeune âge il avait vaguement remarqué qu’il y avait qqch dans la femme qui est important pour être compris, être voulu et évalué.
En juin 1947, le moment le plus fortuit se présente : un bouton dégrafé de la blouse de madame Shaeffer attire son attention et révèle l'objet de son désir vague qu'il a recelé. Dans la vie certaines choses n'exigent pas beaucoup d'explication. Naturellement, il décide dès lors de consacrer le reste de sa vie à la poursuite de ce désir. Selon Kierkegaard la passion est l’engagement de chaque individu. La vraie passion est le fait de ne vouloir qu’une seule chose dans la vie