Le mariage de Figaro Acte II scene 13 et 14
Scène 13
Le Comte, La Comtesse, Suzanne entre avec des hardes et pousse la porte du fond.
LE COMTE. – Ils en seront plus aisés à détruire. (Il parle au cabinet.) Sortez, Suzon, je vous l’ordonne ! (Suzanne s’arrête auprès de l’alcôve dans le fond.)
LA COMTESSE. – Elle est presque nue, monsieur ; vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant ; elle s’est enfuie quand elle vous a entendu.
LE COMTE. – Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. (Il se tourne vers la porte du cabinet.) Répondez-moi, Suzanne ; êtes-vous dans ce cabinet ? (Suzanne, restée au fond, se jette dans l’alcôve et s’y cache.)
La Comtesse, vivement, parlant au cabinet. – Suzon, je vous défends de répondre. (Au Comte.) On n’a jamais poussé si loin la tyrannie !
LE COMTE, s’avance au cabinet. – Oh ! bien, puisqu’elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.
LA COMTESSE, se met au-devant. – Partout ailleurs je ne puis l’empêcher ; mais j’espère aussi que chez moi…
LE COMTE. – Et moi j’espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile ; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holâ ! quelqu’un !
LA COMTESSE. – Attirer vos gens, et faire un scandale public d’un soupçon qui nous rendrait la fable du château ?
LE COMTE. – Fort bien, madame. En effet, j’y suffirai ; je vais à l’instant prendre chez moi ce qu’il faut… (Il marche pour sortir, et revient.) Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m’accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu’il vous déplaît tant ? … Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée !
LA COMTESSE, troublée. – Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?
LE COMTE. – Ah ! j’oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.