Le mathématisme cartésien
Le programme d’une refondation de la science.
Descartes a jugé nécessaire d’entreprendre une réforme, tout à la fois, de la science et de la philosophie – qui pour lui ne font qu’un –, en leur donnant une méthode qui s’oppose à la manière dont les pratiquait la scolastique d’inspiration aristotélicienne, telle qu’elle était devenue à son époque.
Celle-ci, développée par les théologiens du Moyen Âge, fondait sa pratique sur la logique d’Aristote, et notamment sur tout ce qui y concerne l’art de la discussion (Topiques). D’où l’image classique de la scolastique comme discussion à perte de vue sur les moindres questions à l’aide de distinguos subtils. La quaestio scolastique consiste, sur un problème donné, à confronter systématiquement les arguments contradictoires tirés des « autorités » (Écriture, théologiens, philosophes). Cette technique a conduit à une pratique mécanique de la dispute à laquelle Descartes accorde tout au plus la valeur d’une gymnastique mentale :
« Ce n’est pas une raison cependant pour que nous condamnions la manière dont on a eu l’idée de philosopher jusqu’à présent et les machines de guerre des syllogismes probables de la scolastique : cela exerce et excite par une certaine émulation les jeunes esprits, qu’il est préférable de former par des opinions de ce genre, si incertaines qu’elles paraissent étant discutées entre savants, plutôt que de les abandonner complètement à eux-mêmes » (Règles, II, Pléiade p.40).
Ce que Descartes reproche à la scolastique, c’est précisément son verbalisme et son incapacité à trancher aucune question en produisant une unanimité, ou, comme dira Kant, « l’accord des esprits » :
« Je ne dirai rien de la Philosophie, sinon que, voyant qu’elle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s’y trouve encore aucune chose dont on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse, je n’avais point assez de