Le menteur
Géronte, Dorante, Cliton
Géronte
Dorante, arrêtons-nous ; le trop de promenade
Me mettrait hors d’haleine, et me ferait malade. En se stoppant
Que l’ordre est rare et beau de ces grands bâtiments !
Dorante
Paris semble à mes yeux un pays de romans :
J’y croyais ce matin voir une île enchantée ;
Je la laissai déserte, et la trouve habitée ; en regardant de droite à gauche
Quelque Amphion nouveau, sans l’aide des maçons,
En superbes palais a changé ses buissons.
Géronte
Paris voit tous les jours de ces métamorphoses :
Dans tout le Pré-aux-Clercs tu verras mêmes choses,
Et l’univers entier ne peut rien voir d’égal
Aux superbes dehors du Palais-Cardinal ; en lui montrant des traveaux
Toute une ville entière, avec pompe bâtie,
Semble d’un vieux fossé par miracle sortie,
Et nous fait présumer, à ses superbes toits,
Que tous ses habitants sont des dieux ou des rois.
Mais changeons de discours. Tu sais combien je t’aime ? en le regardant
Dorante
Je chéris cet honneur bien plus que le jour même. en lui serant la main
Géronte
Comme de mon hymen il n’est sorti que toi,
Et que je te vois prendre un périlleux emploi,
Où l’ardeur pour la gloire à tout oser convie
Et force à tout moment de négliger la vie,
Avant qu’aucun malheur te puisse être avenu,
Pour te faire marcher un peu plus retenu,
Je te veux marier. En lui mettant la main sur l’épaule
Dorante, à part.
Ô ma chère Lucrèce ! en lui fesant signe
Géronte
Je t’ai voulu choisir moi-même une maîtresse,
Honnête, belle, riche.
Dorante
Ah ! Pour la bien choisir,
Mon père, donnez-vous un peu plus de loisir. En lui enlevant sa main
Géronte
Je la connais assez. Clarice est belle et sage
Autant que dans Paris il en soit de son âge ;
Son père de tout temps est mon plus grand ami,
Et l’affaire est conclue. En lui remettant la main
Dorante
Ah ! Monsieur, j’en frémi :
D’un fardeau si pesant accabler ma jeunesse ! en lui enlevant