Les raisons pour lesquelles on parle de « milieu » littéraire reposent sur une certaine consanguinité dans les rapports entre les différents acteurs du système. De nos jours, de nombreux écrivains ne peuvent pas vivre uniquement de leur plume. Ils sont souvent employés chez les éditeurs pour s’assurer un minimum de sécurité. Ce travail leur permet de consacrer une partie de leur temps à l’écriture. C’est déjà un premier mélange des genres. Ensuite, ce sont des écrivains qui sont les membres des jurys des Prix traditionnels (reconnaissance par les pairs). Or ils appartiennent eux-mêmes à des écuries d’édition ; on peut donc soupçonner qu’ils subissent à ce titre une certaine influence, pour le compte des intérêts de leurs propres éditeurs. C’est le second mélange des genres. Pour couronner cette mécanique, les éditeurs n’hésitent pas à mener délibérément une politique d’échange de bons procédés. C’est pour cela que ce sont toujours les mêmes maisons qui récoltent la plupart des Prix. En gros, ils organisent la compétition entre eux, pourvu que l’un des leurs l’emporte. Le jeu est donc biaisé. Pour répondre à ces critiques récurrentes, les jurés du Goncourt ont modifié leurs règles en 2008 et décidé qu’il était incompatible d’être à la fois juré et rémunéré par une maison d’édition. Face aux lois du marché du livre, on en est réduit à se demander si les Prix littéraires ne consistent pas seulement à défendre les professions de l'édition et de la librairie, loin des principes de la consécration de l'écrivain. S. Ducas déplore à ce titre: “la fabrique du succès par tous les agents du champ littéraire, (éditeurs, critiques, jurés, pairs, lecteurs), entre bricolage publicitaire et leurre médiatique, n'y a plus rien à voir avec l'invention de soit comme écrivain convoitée par l'auteur. Bien pire avec l'économie de best-seller qu'incarnent les prix littéraires, plane toujours le soupçon d'une usine à auteurs, aliénée aux attentes du marché. » extrait de Prix