Le mouvement littéraire et culturel : les lumières
GROUPEMENT DE TEXTES : LE COMBAT DES PHILOSOPHES CONTRE L'INTOLERANCE Texte n° 5 : Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville (1772)
[Le supplément au voyage de Bougainville fait suite au récit publié en 1771 par le naivigateur Bougainville, à l'issue de son tour du monde . Bougainville avait ramené avec lui un Tahitien, Aotourou qu'il " promena" dans tout Paris . Diderot trouva dans le récit du voyageur et les témoignages du Tahitien l'occasion de réfléchir au problème de la colonisation et à la relativité des coutumes . Il imagine ici les propos d'un vieillard qui figurait dans le récit du navigateur . Au moment de départ des Européens - que les tahitiens déplorent , le vieillard s'adresse d'abord à ses semblables, à qui il dépeint les dangers de la civilisation occidentale . Il s'en rend ensuite aux Européens eux-mêmes .]
Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta : " Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes là, dis nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est a nous. Ce pays est