le parlement
et inégalités
Un accroissement durable des inégalités de revenu incite à emprunter aux riches et augmente le risque de crise économique grave
Michael Kumhof et Romain Rancière
D
epuis un siècle, les États-Unis ont connu deux crises économiques majeures : la Grande Dépression de 1929 et la Grande Récession de 2007. Les inégalités de revenu pourraient être à l’origine des deux, et ce en raison d’une similitude remarquable entre les périodes antérieures à ces crises : la forte augmentation de ces inégalités et du ratio dette/revenu des ménages.
Les deux faits sont-ils liés? Les données empiriques et un modèle théorique cohérent
(Kumhof et Rancière, 2010) semblent l’indiquer. Quand — comme cela s’est produit dans les deux cas — les riches prêtent aux pauvres et à la classe moyenne une grande part de leurs revenus supplémentaires, et quand les inégalités de revenu augmentent pendant plusieurs décennies, le ratio dette/revenu s’élève assez pour faire augmenter le risque d’une crise grave.
Redistribution de la richesse
Nous avons étudié l’évolution de la part du revenu total revenant à la tranche de 5 % la plus riche des ménages américains en la comparant au ratio dette/revenu avant 1929 et 2007 (voir graphique 1). Elle est passée de
24 % en 1920 à 34 % en 1928 et de 22 % en
1983 à 34 % en 2007 (nous avons pris moins d’années avant 1929 qu’avant 2007, car les données plus anciennes ont été faussées par la Première Guerre mondiale). Pendant ces deux périodes, le ratio dette/revenu a vivement progressé. Il a presque doublé de 1920 à 1932, et de 1983 à 2007, atteignant alors un niveau bien supérieur (139 %).
Dans la période plus récente (1983–2007), la différence entre la consommation des riches
28 Finances & Développement Décembre 2010
et celle des pauvres et de la classe moyenne a moins augmenté que la différence entre les revenus de ces deux groupes. Pour le second, le seul moyen de maintenir une