Le pavillon d'or
Yukio Mishima, figure nietzschéenne par excellence, a voulu écrire comme il vit et vivre comme il pense.
Pour saisir l’œuvre, il faut d’abord comprendre l’homme. Quand Heidegger enseignait Aristote à ses étudiants, en faisant la biographie du Stagirite, disait seulement ceci : il est né, il a vécu et il est mort. Si la vie d’Aristote était dépouillée d’événements manquants, on ne peut en dire autant de Kimitake Hiraoka, celui-là même qui choisira le pseudonyme de Yukio Mishima. Déjà, ce premier fait est marquant, puisqu’en prenant un pseudonyme un écrivain se dédouble, se crée une sorte de doppelgänger. Mais Mishima se refuse à cohabiter avec son double originel ; pas de concessions chez lui, il élève sa vie en œuvre d’art, dès lors, sa vie d’artiste sera indissociable de celle de sa vie d’homme, la première n’étant qu’une sorte de préface à la deuxième.
Toute son œuvre fait la part belle au couple Eros-Thanatos ; en ce sens, on peut le comparer à un Georges Bataille… avec le panache en plus.
Faisons un saut de quatre décennies et arrivons à sa mort, sa mort qui le rend immortel. Il meurt de la même manière qu’il a vécu, en se mettant en scène. Il se fait seppuku après un putsch manqué contre une base militaire. Putsch manqué mais effet réussi. Car ce qui lui importait ce n’était pas tant de rendre sa dignité à l’empereur du Japon – cela n’était qu’un prétexte – mais de se posséder lui-même. D’être l’auteur de sa propre vie et non pas un simple personnage oblomoviste comme s’en contentent le commun des mortels.
Arrivons-en maintenant à ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale et, à mon sens, le plus grand roman du vingtième siècle (j’entends déjà crier certains au scandale… Quid en effet de Ulysses de Joyce ou encore du Voyage au bout de la nuit de Céline ? Mais ceux-là ne se sont livrés qu’à un exercice de style, certes grandiose, mais un exercice tout de même. Mishima,