Le paysage horizon de la géographie
Le paysage, objet ou représentation ?
La relation entre les géographes et le paysage est une relation passionnelle : dans les années 7080 quand les débats épistémologiques sur la géographie étaient à leur apogée, certains le considéraient comme un objet de régression de la géographie ainsi le dictionnaire de la géographie de Pierre George considère le concept comme « étranger » avec cette définition « employé par certaines écoles géographiques étrangères pour désigner le milieu naturel synthétique, objet d’une géographie physique globale », tandis que d’autres en annonçaient le retour comme une embellie Michel Serres en 1983 « Le paysage revient inattendu dans le vide où le système comme un arc-en ciel- dans le pré ». I. le paysage c’est du concret A/ la passion du paysage Avant d’être une passion de géographe, le paysage est une passion d’intellectuels. Ce sont les lettrés chinois qui auraient « inventé » le paysage au X° siècle en créant le mot shan shui 山水 (shan montagne, shui eau) opérant les premiers de façon consciente un renversement du regard sur la nature qui d’hostile devenait refuge pour la méditation. Tandis que le paysage chinois réel est paysan, la terre et l’eau, le vert du blé et de la rizière, la plaine, l’homme sont ce que le voyageur pouvait voir de la Chine, les peintres peignaient la montagne, c'est-à-dire l’inverse ! Ce que représentaient ces premiers « paysages » c’était un paysage d’intellectuel : pour concevoir le paysage il a fallu imaginer que l’homme pouvait en sortir pour l’observer. Une mutation du même type s’opère en Europe occidentale au XV°s et s’épanouit au XVII°. La « Nouvelle Héloïse » de Jean Jacques Rousseau illustre ce mouvement des intellectuels vers le paysage. Tels les anachorètes qui allaient au désert pour prendre de la distance avec le monde et se rapprocher de Dieu, les intellectuels allèrent au paysage pour fuir la civilisation corruptrice. C’est ce qu’illustre le tableau de Caspar David Friedrich, le voyageur