Le pont mirabeau
A l'inverse la séquence finale montre une machine livrée à elle-même, en rupture avec cet ordre : la locomotive folle lancée dans la nuit après que les deux cheminots qui la dirigeaient se sont entretués mène une foule d'hommes ivres et joyeux vers le massacre inéluctable, soit celui de l'accident ferroviaire, soit celui de la guerre.
Dans le roman, le chant à la gloire du progrès fondé sur l'organisation et la technique tourne au désastre, qui remet tout en question : la locomotive symbole du progrès est un bête affolée à la puissance incontrôlable ; la vitessse est une course insensée vers la mort collective. D'un monde stable au mouvement réglé (Roubaud est immobile, dans un appartement et contemple d'en haut les déplacements autour de la gare) on passe à un monde traversé par une vitesse excessive, et l'ensemble des éléments du réseau ne sont signalés (gares, signaux, télégraphes) que pour mettre en valeur leur impuissance : l'animal-machine échappe à l'organisation rationnelle collective. Dans le film au contraire, l'éloge du travail mécanique des cheminots est continu de bout en bout : le travail va continuer, la tragédie individuelle ne contredit pas la loi du progrès. Les cheminots dans le film sont globalement solidaires, et la mort de Lantier ne résulte pas d'un