Le pouvoir créateur du juge
La Révolution française avait voulu limiter le pouvoir des juges à la seule application des lois, du droit émanant de la souveraineté nationale. Craignant l’opposition politique de la magistrature sur le modèle des Parlements de l’Ancien régime, les révolutionnaires avaient tout fait pour réduire l’influence du pouvoir judiciaire. La justice fut soumise au contrôle du pouvoir exécutif. Dans la dernière décennie du 20e siècle, il y a la montée en puissance du pouvoir des juges. Dans une démocratie en crise, un “tiers pouvoir” serait né, celui des juges (Denis Salas).
Le mot « juge » est une désignation générique qui s'applique d'abord aux professionnels dont la situation est régie par le statut de la Magistrature et qui, à des degrés divers, participent au fonctionnement du service public de la Justice. Les juges ont pour rôles de juger toutes amendes, délits et crimes. Dans le silence de la loi ou dans des cas non prévu par les législateurs les juges doivent trouver une solution pour manquer de « vide-juridique ». Le terme pouvoir renvoie à la notion de capacité, à l’étendu et aux limites du champ d’intervention des juges dans leur travail mais il renvoie surtout à la notion de puissance et d’autorité.
Les juges doivent appliquer la loi et s’y soumettre, sans s’immiscer dans l’exercice du pouvoir législatif, prohibition étant faite depuis 1790 des “arrêts de règlement”. Mais ils ont aussi le devoir de juger, même dans le cas “du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi” sous peine d’être “poursuivi comme coupable de déni de justice” selon l'article 4 du Code Civil. L’interprétation de la loi donne un large pouvoir au juge. En précisant le sens et la portée de la loi, il peut combler ses lacunes et de l’adapter à l’évolution sociale. La jurisprudence, c’est-à-dire l’ensemble des décisions de justice sur un point de droit, présente alors un intérêt capital pour mesurer l’évolution du pouvoir des juges.