Le poème en prose
1. Genèse d’un genre :
Poésie et versification ne s’impliquent pas nécessairement. Dés 1719, l’abbé Dubos le notait ainsi : « il est de beaux poèmes sans vers, comme il est de beaux vers sans poésie ». En effet on remarque au XVIIIe siècle des œuvres habilement versifiées d’où la poési.e est absente et au contraire des œuvres écrites en prose douées d’une charge poétique supérieure.
Romans poétiques et épopées en prose
En 1700, Boileau, dans sa Lettre à Perrault, parle de « ces poèmes en prose que nous appelons romans ». Les Aventures de Télémaque, de Fénélon (1699) passèrent longtemps pour un exemple de « roman poétique » ou « poème en prose », Fénélon lui-même présente ainsi son œuvre : « narration fabuleuse en forme de poème héroïque, comme ceux d’Homère et de Virgile ». Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, et encore sous l'Empire, paraissent des œuvres en prose plus ou moins copieuse visant au statut de poème, telles que Les Incas ou la destruction de l'empire du Pérou de Marmontel (1777)... Ces textes annoncent l'œuvre de Chateaubriand qui comporte bien des pages dont l'écriture ressortit à la prose poétique. Les martyrs (1809) sont essentiellement une épopée en prose, tant par leur sujet que par l'insertion d'épisodes merveilleux, la conduite générale du récit où les comparaisons développées pour elle-même à la manière homérique. Et pourtant ses œuvres ne constituent pas des « poèmes en prose » au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Elles appartiennent à une époque où le prosateur cherche encore à rivaliser avec le poète en vers sur le plan des conventions qui paraissent alors indispensables à l'écriture poétique. Se libérant de la rime pour se rapprocher de la « nature » et de la « raison », beaucoup de ces écrivains ne peuvent s'empêcher de truffer leurs textes de vers blanc et parfois de rimes intérieures. Rousseau, dans la prose des Confessions ou des Rêveries, Chateaubriand dans les mémoires d'outre-tombe est déjà dans Atala ou