Le terme d’ethnophilosophie a été créé par le Camerounais Marcien Towa pour désigner un courant de pensée à dominante africaine, inspiré par l’ouvrage de Placide Tempels sur la Philosophie bantoue, et qui consiste à identifier la philosophie d’une société à sa vision du monde, à son système de valeurs ancré dans le fond du psychisme et lisible à travers mythes et rites, proverbes et coutumes. Selon cette conception, toute société dite traditionnelle aurait une philosophie implicite que le philosophe se chargerait de mettre en évidence par l’étude des éléments culturels, et d’expliquer en soulignant à la fois la cohérence de la pensée et le lien entre conception du monde et orientation de l’action. Selon cette logique, la meilleure méthode pour connaître un peuple serait d’tudier son système implicite de pensée, de le déterrer en tant que philosophie collective. Mais, pour Paulin Hountondji, " en croyant critiquer l’ethnophilosophie en général, Towa ne critique en fait que l’ethnophilosophie africaine. Cette restriction entraîne au moins deux conséquences: 1) l’ethnophilosophie en général est considérée et traitée comme un sous-produit, un aspect tardif du mouvement de la négritude, au lieu qu’elle est en réalité antérieure à ce mouvement et qu’elle déborde largement le continent africain. 2) alors que le discours des philosophes africains est soigneusement passé au crible, l’ethnophilosophie européenne tire élégamment son épingle du jeu. Tempels peut ainsi se voir décerner, à l’occasion, un prix d’honneur pour avoir courageusement contesté, peu après P. Masson-Oursel, de l’intérieur même de la culture européenne, le prétendu monopole occidental de la raison…Il y a plus. A travers le concept polémique d’ethnophilosophie, Marcien Towa s’en prend seulement à la méthode des philosophes de la négritude, non à leur objet. Ce qu’il leur reproche, c’est de confondre la démarche ethnologique et la démarche philosophique, de glisser subrepticement de l’une à l’autre…C’est