“Le procès-verbal “ (1963) : Solitaire et marginal, Adam Pollo, à qui ses cheveux longs et sa barbe donnent une allure de mendiant, se tient loin des êtres humains, de leur société et de l’ordre incompréhensible qui y règne. Il se demande constamment s’il est un déserteur de l'armée ou un évadé d'asile psychiatrique : il «essayait de se souvenir de quelque chose qui le rattachait aux dix années d’avant : une phrase, un tic militaire, un nom de lieu qui lui indiquerait à coup sûr quel avait été son emploi du temps, et, enfin, enfin, plus tard, d’où il arrivait». Il s'est retiré sur une colline, loin de la ville, dans une maison abandonnée par ses propriétaires pour la saison où il chasse les rats à coups de queue de billard. Voulant laisser croire qu’il est mort, il fait disparaître sa moto et toute autre trace de sa présence. ll vit presque en ascète, se contentant de se promener sur la plage, de se faire bronzer nu sur deux chaises longues, de suivre un chien dans les rues de la ville, de fumer cigarette sur cigarette, de boire de la bière, d'aller au restaurant, de tuer un rat, se laissant glisser, au gré des heures et de sa fantaisie, dans une «extase matérialiste», où sa vie se trouve mise en rapport avec la Vie même. Il se nourrit de contemplation, comme s’il était à la recherche d'une illumination devant le mener vers l'absolu ; il devient la plage où il passe, le chien qu'il suit, le rat qu'il tue, les fauves qu'il observe dans un parc zoologique, le grand mouvement inlassable des apparences. Son seul lien avec le monde, il l’a par sa «chère Michèle», une jeune fille qui vit à la ville, avec laquelle il a d'étranges rapports, brutaux mais complices, qu’il voit irrégulièrement, qui lui prête de l’argent, à qui il écrit de longues lettres dans un cahier d'écolier jaune, et qui semble lui servir d'indicatrice et de réplique involontaire.
Cependant, un beau jour, après avoir franchi un certain état d'attention obsédée, il descend vers le monde, pour parler aux