Le procès de claude gueux
Cet homme qui vous fait face ne mérite pas ne serait-ce qu’un regard de votre part.
Car il a osé s’octroyer un pouvoir, le pouvoir que seuls vos égaux sont en droit de posséder, il a osé, lui, voleur infâme, juger un homme. De ses compagnons de cellules, voleurs, criminels, malfaiteurs en tous genres, il a fait des jurés ; d’un atelier crasseux, il a fait un tribunal ; d’un banc, il a fait une tribune...et il s’est lui-même proclamé Président. Mais, Messieurs, où est-passé l’avocat de la défense de M.D. dans cette audience contrefaite ? Enfin, suivant la logique de ce que Monsieur Gueux appelle "Justice", il a condamné M.D. à mort, et s’en est fait le bourreau.
Mais considérons je vous prie les raisons de ses actes, raisons irraisonnées d’un homme que l’on croyait raisonnable.
Bien sûr, les femmes émotives de cette assemblée croiront la version de ce vil menteur qui prétend avoir subi une perte irréparable, la perte d’un ami, la perte d’un frère... Mais je me dresse contre cette fable romanesque, car Monsieur Gueux n’a rien d’un héros ! Non, Messieurs les jurés ! Il n’a à déplorer ni la perte d’un frère, ni la perte d’un ami, mais la perte de pain. Car ceci n’est que discours d’égoïste affamé. N’a-t-il pas lui-même affirmé que la raison première de son attachement à Monsieur Albin était dûe à la ration alimentaire supplémentaire que celui-ci lui offrait chaque jour ? N’a-t-il pas seulement profité d’un jeune homme faible de corps et d’esprit ?
C’est pourquoi je vous demande instamment, Messieurs les jurés, Monsieur le Président, de prendre en compte l’égoïsme et l’arrogance qui caractérisent l’accusé. Que cela vous donne à réfléchir.