Le père goriot. histoire du texte.
Histoire du texte
La genèse du Père Goriot constitue un exemple typique du processus de la création balzacienne : à l’origine un projet relativement précis suivi d’une extension vertigineuse des proportions initialement prévues lors du passage à la rédaction de l’œuvre envisagée, un accroissement considérable du texte sur épreuves, le tout sur fond d’enthousiasme mais aussi de conscience horrifiée du travail surhumain à fournir pour tenir les délais et donner de la copie alors que la publication est déjà en cours… Le canevas du Père Goriot figure dans le carnet où Balzac consignait ses projets : « - Un brave homme – pension bourgeoise – 600 fr. de rente – S’étant dépouillé pour ses filles qui toutes deux ont 50 000 fr. de rente, mourant comme un chien »1. L’essentiel de l’argument de l’oeuvre, comme on peut le constater, est déjà en place. La correspondance de l’écrivain corrobore cette impression d’un projet clairement défini puisqu’il écrit par exemple à madame Hanska le 18 octobre 1834 que le roman dont il vient d’entamer la rédaction constitue « la peinture d’un sentiment si grand que rien ne l’épuise, ni les froissements, ni les blessures, ni l’injustice » et que le protagoniste est « un homme qui est père comme un saint, un martyr est chrétien »2. C’est à Saché où il est arrivé le 20 septembre 1834 pour prendre un peu de repos après avoir achevé La Recherche de l’Absolu que Balzac se remet au travail. Avec son indéfectible optimisme, il pense avoir achevé très rapidement Le Père Goriot. Une dizaine de jours, tout au plus, lui suffira !3 Il est vrai qu’initialement l’ouvrage envisagé devait simplement être une nouvelle. En réalité, alors qu’il est revenu à Paris le 18 octobre après avoir « humé un peu de l’automne de Touraine »4, le romancier a certes bien avancé mais il n’a écrit qu’environ le tiers de ce qui sera le texte définitif parce que, comme d’habitude, au moment de la rédaction, le projet s’est considérablement étoffé. Et une fois encore,