Séisme intérieur

Le temps, celui qui court, ralentit, recule, accélère, s’arrête. Le Roy est mort ! Vive le Roy ! Vive Michel Bouquet !

Tremblement de terre, tremblement d’être : ébranlement présent, destruction future. Secousses invisibles : la faille s’ouvre, l’âme se fend, tombe dans le néant. C’est le trou noir, celui que le médecin-bactériologue-chirurgien-bourreau-astrologue aperçoit au bout de sa lorgnette catastrophée. Ce sont les fissures du mur, celle qui creusent, redessinent les visages.

Hier, je suis né, aujourd’hui je vis, demain je meurs. Schéma inévitable. Notre vie se résumerait-elle donc à cette tragédie grecque, emprisonnée par la fatalité ? La Reine Marguerite, cette mauvaise caricature de la Reine Victoria, ce visage sculpté dans de la cire dégoulinante, cette matrone au sang bleu glacé, nous dit que oui. Les heures s’envolent comme les rêves, les minutes disparaissent comme les illusions, et les secondes s évanouissent comme l’espoir.

Alors peut-être que oui : tournoyer, rire, aimer, cela ne rattrapera pas le temps perdu, mais donnera un sens au temps vécu. Loin de la froideur du memento mori de Marguerite, loin de l’obsession mégalomane de Bérenger qui ne peut concevoir qu’on vive après sa mort et nous demande « Pourquoi suis-je né si ce n’est pour toujours ? », loin du poids du passé et de l’angoisse du futur, Marie et Juliette aiment. Elles aiment le roi, elles aiment leur vie, celle d’aujourd’hui, ne regrettent pas encore le passé, n’appréhendent toujours pas le futur. Car leur vie suit l’élan romantique de Musset : « Vous aurez vécu si vous avez aimé ».

Comme un écho à cette pièce de la vie, la voix du Garde : « Le roi marche », « Le roi se meurt », « Le roi se relève ». Des annonces comme dans une presse féminine où de grandes révélations anodines donnent l’illusion d’une célébrité éternelle. Le Garde parle, annonce, ne réfléchit pas, ne réfléchit plus, il est le perroquet d’une