Le role de la viole tout les matin du monde
1. « Un instrument n’est pas la musique »
La viole de gambe est au centre des deux oeuvres et Monsieur de Sainte
Colombe semble avoir avec cet instrument une relation complexe. Il différencie en effet musique et instrument. Lorsqu’il invective Marin Marais, après lui avoir brisé sa viole, il dit : « Monsieur, qu’est-ce qu’un instrument
? Un instrument n’est pas la musique ». Et Tch’eng Lien, le personnage du conte La dernière leçon de musique de Tch’eng Lien tient quasiment les mêmes propos. La scène est d’une extrême violence et presque insupportable, comme si le musicien commettait un acte sacrilège. Pourtant, il rajoute à cet instrument une septième corde pour « le doter d’une possibilité plus grave et afin de lui procurer un tour plus mélancolique ».
La viole est donc pour lui le moyen privilégié de l’expression des sentiments, et notamment de la tristesse. Lors de la quatrième visite de sa femme, le narrateur personnifie la viole en en faisant une sorte de confidente du maître de musique : « Il se confiait simplement à sa viole ».
Lorsqu’il fracasse la viole de Marin Marais, la violence qu’il exerce sur l’instrument est destinée à Marin Marais qu’il compare alors à un hanneton
(on peut se rappeler qu’il aime écraser les hannetons que ses filles lui apportent dans ce but). La viole est ici un substitut du jeune musicien.
La scène est d’une immense violence, proportionnelle à la haine qu’éprouve Sainte Colombe à l’égard du jeune musicien (chapitre IX,
28 s de 52’ 48’’ à 53’18’’).
En comparant avec mépris la viole à un « cheval de cirque », il accuse
Marin Marais de jouer une musique de « bateleur », vouée au seul divertissement.
Le jeune homme possède manifestement une technique irréprochable, il joue « avec beaucoup d’aisance et de virtuosité » (p. 46) mais il n’est
« pas musicien » aux yeux du maître, c’est-à-dire qu’il n’interprète pas la
musique