Le romantisme et les nations
Dans les Leçons sur la littérature et l'art qu'il rédige entre 1801 et 1804, Schlegel définissait le romantisme comme "la poésie des grandes nations de l’Europe moderne". Définition séduisante que ne semble pas démentir la parution en 1807 du Discours à la nation allemande de Fichte, mais qui présente l'inconvénient de réduire l'acception romantique de la nation à l'organicisme allemand sans accorder aucune place, par exemple, au romantisme libéral du mouvement philhellène (pro grecque). Mouvement européen en ceci qu'il touche l'ensemble des pays situés de l'Atlantique à l'Oural, le romantisme entretient avec l'idée de nation comme avec celle de conscience européenne, des rapports ambivalents. S'il participe bel et bien de la création de ce que l'historienne Anne Marie Thiesse des identités nationales au 19eme siècle, l'aspiration du romantisme à l'émancipation des peuples qui précipite les révolutions de 1848, le romantisme est aussi le vecteur d'un dualisme identitaire partagé entre le national et l'universel.
I] Le romantisme, une "phase de la vie intellectuelle de l'Europe". (Paul Van Tienghen)
A. Un romantisme européen
Bien qu’obéissant à des temporalités différentes, les thématiques propres au romantisme et ses modes d’expression privilégiés se retrouvent partout en Europe, soit à partir de la fin du XVIIIe siècle, soit au cours du XIXe siècle. Il constitue à ce titre un mouvement inter, si ce n’est transnational. Si l’Allemagne et l’Angleterre font figure de berceaux du romantisme, avec l’affirmation précoce d’une sensibilité Strum und Drang et les écrits de Burke sur le sublime, le romantisme fait aussi école en Italie, après 1816, en France à partir de l’année 1820 surtout, mais également en Russie, en Pologne ou en Espagne. Pouchkine fait ainsi paraître, en 1831, Boris Godounov, Adam Mickievicz en 1834 Messire Thadée, tandis qu’en Espagne le romantisme s’affirme à travers les œuvres de Larra, Espronceda,