Le Rouge et Le Noir, Stendhal; La lettre de Mathilde -Texte-
« Votre départ m’oblige à parler… Il serait au-dessus de mes forces de ne plus vous voir. » Une pensée vint frapper Julien comme une découverte, interrompre l’examen qu’il faisait de la lettre de Mathilde, et redoubler sa joie. Je l’emporte sur le marquis de Croisenois, s’écria-t-il, moi, qui ne dis que des choses sérieuses ! Et lui est si jolie ! il a des moustaches, un charmant uniforme ; il trouve toujours à dire, juste au moment convenable, un mot spirituel et fin. Julien eut un instant délicieux ; il errait à l’aventure dans le jardin, fou de bonheur. Plus tard il monta à son bureau et se fit annoncer chez le marquis de La Mole, qui heureusement n’était pas sorti. Il lui prouva facilement, en lui montrant quelques papiers marqués arrivés de Normandie, que le soin des procès normands l’obligeait à différer son départ pour le Languedoc. - Je suis bien aise que vous ne partiez pas, lui dit le marquis, quand ils eurent fini de parler affaires, j’aime à vous voir. Julien sortit ; ce mot gênait. Et moi, je vais séduire sa fille ! rendre impossible peut-être ce mariage avec le marquis de Croisenois, qui fait le charme de son avenir : s’il n’est