Le sérail dans les lettres persanes
Il y a des lettres du sérail tout au long de la narration, mais le bilan reste assez maigre cependant. L'essentiel se concentre dans la séquence d'ouverture (les 24 premières lettres) et dans la fin (les 15 dernières, par entorse à la chronologie de la narration : de 1720 on remonte à 1717).
Il n'est pas certain qu'il y ait un roman des Lettres persanes, mais il y a bien cependant un roman du sérail (voir Annie Becq, Lettres persanes, foliothèque, p. 22 et suivantes). De ce roman, Usbek est le centre (le sérail ne concerne Rica que comme témoignage de ses mœurs persanes, et comme objet de pensée). C'est le lieu, le seul, où se jouent les passions amoureuses (les persans ne nouent aucune relation sentimentale pendant leur exil). On pourrait penser que c'est là aussi que Usbek peut être doté de quelque chose comme une psychologie : victoire sur l'amour (lettre 6 : « Ce n'est pas Nessir que le les aime : je me trouve à cet égard dans une insensibilité qui ne me laisse point de désirs. Dans le nombreux sérail où j'ai vécu, j'ai prévenu l'amour et je l'ai détruit par lui-même ») et maintient de la jalousie à la place de cet amour éteint (idem : «mais de ma froideur même il sort une jalousie secrète que me dévore »). Mais cette relative épaisseur romanesque du personnage se rabat, en fait, sur les problèmes dont le sérail est comme le symbole et le condensé : la manière dont les mœurs et les institutions modèlent les comportements, dont le politique agit sur le privé. Le sérail se présente comme une sorte de représentation du