Le bus passa vite. Hélas, trop vite. Retardée par une peur qu’elle arrivait difficilement à contrôler, Valerie vit pour la deuxième fois en moins d’une demi-heure le bus filer sous ses yeux. En pleine journée, le chauffeur l’aurait certainement aperçue gesticuler sur le bord de la route, essayant en vain d’attirer son attention. Mais dans cette obscurité, c’était peine perdue. Elle se retrouvait une nouvelle fois sans moyen de transport. La crainte du courroux de son père refaisait surface, elle pensait que c’était bel et bien la dernière fois qu’elle serait autorisée à sortir. Elle n’avait pas tort. Toutefois, son père n’y était pour rien. Au fur et à mesure qu’elle se dirigeait vers chez elle l’âme en peine, la peur de son père laissait petit à petit place à la pensée que le Siffleur pouvait être dans les parages. La jeune fille avait l’impression que les bruits provenant des buissons ne cessaient d’augmenter, si bien qu’elle se mit rapidement à courir en se réjouissant presque de l’explication mouvementée qui l’attendait avec son père. Tout à coup, alors que son cœur était au bord de la rupture tant il battait la chamade, elle entendit retentir le klaxon singulier de la vielle Fiat 500 de Giuseppe Farfalle, l’extravagant pizzaiolo du village. Tout le monde se demandait comme il pouvait préférer la grisaille du Norfolk au grand soleil de sa Sicile natale, mais ses pizzas étaient si délicieuses que personne ne lui avait jamais demandé, de peur de lui donner le mal du pays. Pour Valerie, c’était la délivrance. La petite moustache et le crâne dégarni de Giuseppe étaient synonymes de sécurité dans son esprit. Il l’aborda en sifflant comme il avait l’habitude de le faire et lui lança un « Ciao bella ! » dont il avait le secret. La jeune fille mangeait régulièrement dans son restaurant depuis toute petite. Elle s’installa donc en toute confiance sur le siège passager et expliqua rapidement l’urgence de sa situation. L’Italien lui dit sans son anglais toujours