Qu’en est-il du souci de l’autre chez les professionnels de santé ? Pour répondre à cette question, Marie de Hennezel a mené une enquête durant deux ans auprès de personnes gravitant autour d’une relation dissymétrique : les soignés et leur famille d’une part, et les soignants d’autre part. Cette dissymétrie prend tout son sens dans la citation : « Nous montrons un fossé entre les supposés forts et les supposés faibles. Mais aucune rencontre humaine n’est possible dans un tel cadre » (p148). D’abord, l’auteur nous fait part de ses constats. En effet, elle pointe du doigt à travers des témoignages bien plus que significatifs où chacun dénonce sans tabou, sans fausse pudeur, l’évident manque d’humanité et la très préoccupante, car presque inexistante, attention des professionnels de santé envers les patients. La seconde partie du livre est consacrée à l’explication de la cause de ces défaillances, étant donné le statut de l’hôpital tourné vers une tendance tayloriste plutôt que vers l’humain et ses valeurs. La phrase « L’hôpital est une entreprise, ça doit tourner, mais côté humain, l’hôpital est malade » (p18) résume parfaitement la situation catastrophique des hôpitaux. Le respect n’est devenu qu’une option puisqu’il n’y pas plus de communication, et encore moins d’interaction, ce qui est d’autant plus grave que les soignants ont en face d’eux des personnes vulnérables. Ainsi la maltraitance prend deux formes : physiques et morales. On peut malheureusement parfois rencontrer des situations choquantes comme la suivante où il est difficile de garder sa dignité après de telles humiliations « Un jour, j’ai été horrifiée de trouver ma grand-mère couverte de cloques et de brûlures. Une aide soignante l’avait contrainte à prendre une douche sous l’eau brûlante, dans une salle commune où hommes et femmes étaient mélangés » (p52). Cependant, dans une dernière partie, Marie de Hennezel a tout de même rencontré des soignants qui tentent de faire perdurer l’humanité.