Le spleen de paris
Commentaire :
Dans le Spleen de Paris, Baudelaire expérimente un genre nouveau, inauguré peu auparavant par Aloysius Bertrand: «C’est en feuilletant pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit, d’Aloysius Bertrand [...] que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque» («À Arsène Houssaye», dédicace du recueil). Les poèmes en prose de Baudelaire, différents dans leur inspiration et leur facture de ceux de son devancier, imposent le genre, lequel deviendra particulièrement florissant dans les dernières décennies du XIXe siècle et au début du siècle suivant.
Le poème qui nous occupe ici s’intitule « Crépuscule du Soir », doublet du poème éponyme des Fleurs du Mal. De fait, plusieurs poèmes du Spleen de Paris reprennent le titre et la trame narrative de certains poèmes des Fleurs du Mal, comme « La Chevelure » ou « L’Invitation au voyage ». Dans « Crépuscule du Soir », le poète évoque le pouvoir de la nuit sur sa personne et sur son activité poétique, en prenant au passage l’exemple de deux de ses « amis ». Il s’agira de voir comment le poète traite le motif de la nuit, et quels ressorts il en retire dans ce nouveau genre qu’il inaugure : le poème en prose.
Nous verrons dans une première partie le traitement du motif de la nuit ; puis, dans une seconde partie, la perturbation romantique ; enfin, dans une troisième partie, le poème en prose comme espace de la nuit.
I Le traitement du motif de la nuit
A/ Isotopie du soir le terme « soir » : celui-ci revient à de multiples reprises et constitue une architecture fondamentale du poème. On trouve six occurrences du terme « soir » dans le poème, toutes situées dans la première partie de celui-ci. Le « soir » constitue en