Le suspensu et le congedie
J’ai passé la soirée avec Raymond. Un chic type que je connais depuis au moins 100 ans; si ce n’est pas plus. Des bistros et des bars, on en a fait lui et moi au siècle dernier quand nous étions jeunes et beaux. Il a 4 ans de moins que moi, ce qui lui en donne 44 et des poussières. Encore quelques décennies et il ne restera que ça de nous justement, de la poussière. On a un peu fait le Vietnam ensemble dans les années ’80 et on a dégueulé dans les mêmes ruelles derrière la rue St-Denis. Même qu’ensemble, on a personnellement rencontré Renaud lors de sa tournée Le Retour de la Chetron Sauvage en 86. Tu te souviens Raymond?
Si je me souviens! Tu m’avais piqué Nathalie, espèce d’enculé!
Jusqu’à tout récemment, Raymond était chef de service dans une entreprise de véhicules récréatifs. Il gérait les ventes et ses patrons étaient immensément satisfaits de lui. Jusqu’à cet été où les ventes des roulottes se sont mises à planter partout au Québec.
Les premiers mois de l’année ont pourtant été extraordinaires, me dit-il devant un pichet de bière blonde. On était en avance sur les prévisions et tout indiquait que nous allions connaître une année record. Puis sans avertissement, juin, juillet et août ont été catastrophiques. Les ventes n’ont pas chuté, elles sont littéralement disparues. Quelque chose s’est passé sous notre nez dont on a pas été en mesure de prévoir. Ils ont ensuite embauché une firme extérieure dont le mandat était de voir où l’on pouvait sauver de l’argent et il a été décidé que mon poste en était un. Je suis donc sans emploi depuis trois semaines.
En trois semaines, il a eu le temps de digérer le choc du congédiement, mais quelque chose dans ses yeux et dans le ton de sa voix me disait qu’il ne digèrerait jamais l’insulte derrière le geste. Ce département, c’est lui qui l’avait monté de A à Z et depuis son embauche les ventes étaient à la hausse chaque année. Une seule