Le théâtre pour antoine artaud
Au point d’usure où notre sensibilité est parvenue, il est certain que nous avons besoin avant tout d’un théâtre qui nous réveille : nerfs et cœurs.
Les méfaits du théâtre psychologique venu de Racine nous ont déshabitués de cette action immédiate et violente que le théâtre doit posséder. Le cinéma à son tour, qui nous assassine de reflets, qui, filtré par la machine, ne peut plus joindre notre sensibilité, nous maintient dans un engourdissement inefficace, où paraissent sombrer toutes nos facultés.
Dans la période angoissante et catastrophique où nous vivons, nous ressentons le besoin urgent d’un théâtre que les événements ne dépassent pas, dont la résonnance en nous soit profonde, domine l’instabilité des temps.
La longue habitude des spectacles de distraction nous a fait oublier l’idée d’un théâtre grave, qui, bousculant toutes nos représentations, nous insuffle le magnétisme ardent des images et agit finalement sur nous à l’instar d’une thérapeutique de l’âme dont le passage ne se laissera plus oublier.
Tout ce qui agit est une cruauté. C’est sur cette idée d’action poussée à bout, et extrême que le théâtre doit se renouveler.
Pénétré de cette idée que la foule pense d’abord avec ses sens, et qu’il est absurde comme dans le théâtre psychologique ordinaire de s’adresser d’abord à son entendement, le Théâtre de la Cruauté se propose de recourir au spectacle de masses : de rechercher dans l’agitation de masses, mais jetées l’une contre l’autre et convulsées, un peu de cette poésie qui est dans les fêtes et dans les foules, les jours, aujourd’hui trop rares, où le peuple descend dans la rue.
Tout ce qui