I Le spectateur: une présence problématique

1) Le théâtre n’existe pas sans public: tout texte est écrit, toute représentation est organisée en vue de celui-ci:

*en ce qui concerne le texte: principe de la double énonciation; conventions propres au théâtre (l’exposition qui donne aux spectateurs tous les renseignements nécessaires à la compréhension des événements; l’usage des monologues ou des apartés, qui dévoilent les pensées des personnages).

Par jeu, Jean Tardieu, (1903-1995), s’est amusé à écrire une courte pièce, Eux seuls le savent, (1952) dans laquelle quatre personnages se rencontrent, s’affrontent et se réconcilient sans que le spectateur comprenne quoi que ce soit, faute de toute exposition ou explication. Comme l’explique le présentateur initial, ces personnages s’occupent “uniquement de leurs propres affaires et pas du tout de celles des spectateurs, attitude qui dénote un manque de courtoisie regrettable“. La lecture de cette pièce permet de mesure à quel point ces conventions théâtrales nous sont devenues familières, au point d’apparaître parfaitement naturelles.

*en ce qui concerne le jeu: il a longtemps été admis qu’un comédien sur scène ne pouvait tourner le dos au public, ni se tenir véritablement de profil, et que la plupart du temps les acteurs se présentaient de trois quarts face aux spectateurs, afin d’être vus et clairement entendus. Cette même nécessité d’être entendu interdit la plupart du temps les chuchotements, même dans les scènes intimistes.

2) En même temps, le théâtre occidental fait comme si le public n’était pas là: c’est le principe de l’illusion théâtrale, matérialisé par l’organisation de l’espace:

*sur la scène: construction d’un décor, comme un tableau, obéissant aux règles de la perspective, afin de créer l’illusion du vrai. Certains auteurs ont accentué cette volonté de “réalisme” par des didascalies extrêmement précises et détaillées. On peut évoquer par exemple le début du drame romantique Ruy Blas