Le traité de l'entendement de Spinoza
Cette question en a paralysé plus d'un. Un autre moyen de décourager les initiatives est la régression à l'infini. Comment savoir qu'une idée est vraie, et ainsi à l'infini? En admettant que l'idée vraie s'affirme elle-même comme vraie et se passe de toute autorité extérieure, comment trouver la bonne méthode pour la faire fructifier ?
Ne faut-il pas pour découvrir la méthode, en avoir déjà une, et ainsi à l'infini? Aussi espère-t-on que l'instrument idéal soit remis par miracle entre nos mains par quelque autorité bienveillante; faute de quoi, mieux vaut s'abstenir.
A cette nouvelle objection le "Traité de la réforme de l'entendement" (§30-31) répond par une nouvelle histoire. Spinoza aime les histoire. Elles font apparaître dans le champ de l'expérience la conception quasi-narrative qu'il se fait de la vérité. On a vu le préjugé finaliste dérouler ses noeuds funestes; le simple fait de narrer l'histoire, de mettre en évidence ses ressorts, est déjà un début de délivrance. Cette fois du reste, c'est une histoire heureuse, celle de la Technique. Elle n'est pas sans analogie avec celle de la tuile, sauf que là, on se donne les moyens de répondre aux questions sur les tenants et les aboutissants. Vous prétendez que pour trouver la bonne méthode, il en faut déjà une autre, et ainsi de suite, de sorte qu'on ne pourra jamais entreprendre quoi que ce soit. Vain raisonnement, qui pourrait aussi bien nous convaincre de ce que l'expérience dément. Pour forger le fer, il faudrait avoir un marteau, mais pour forger le marteau il en faudrait déjà un et ainsi à l'infini. En réalité tout le monde sait comment les choses se sont passées: bien que dépourvus par la Nature d'outils adéquats, les hommes ont pu, à partir d'objets rudimentaires, forger des outils de fortune qui leur ont permis, quoique laborieusement d'abord, de parvenir enfin, et de plus en plus facilement, à l'outil que nous connaissons; "de même