Dans la plupart des autres pays d’Europe, le régime français de responsabilité du fait des choses apparaît comme une incongruité. Il est vrai qu’il est difficile de le justifier autrement que par des raisons historiques. Pourquoi, en effet, prévoir une responsabilité sans faute liée à l’intervention d’une chose, indépendamment de la dangerosité de celle-ci ? Pourquoi les dommages dans la survenance desquels une chose est intervenue devraient-ils être soumis à des règles particulières et donner lieu à une responsabilité sans faute pesant sur le gardien ? Un tel régime s’est imposé en France du fait des contraintes posées par l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil, mais il ne repose sur aucune ratio legis convaincante, ni même identifiable. Il n’est donc pas surprenant qu’il n’ait pas séduit la plupart des voisins de la France, qui s’étonnent au contraire de l’admission d’une quasi-clause générale de responsabilité sans faute, susceptible d’applications erratiques, alors même que le droit français dispose déjà, à l’article 1382, d’une clause générale de responsabilité pour faute bien plus large que ce qui existe presque partout ailleurs.
La plupart des accidents se produisent par l’intermédiaire d’une chose ; c'est-à-dire l’importance pratique que représente la responsabilité du fait des choses. En 1804, les choses qu’utilisait l’homme étaient essentiellement les animaux et les bâtiments. Le Code Napoléon avait prévu deux responsabilités à ce titre. Mais l’époque industrielle et le machinisme ont multiplié les accidents causés par les choses inanimées autres que les bâtiments. Dans une construction remarquable, la jurisprudence a, depuis la fin du siècle dernier, imposé une responsabilité aux gardiens de telles choses. Il s’agit, en effet, d’une des constructions prétoriennes les plus célèbres du droit français. Un principe général de responsabilité incombant au gardien a été découvert par la jurisprudence, sous l’influence de Saleilles et Josserand, sur la