Le travail est-il une contrainte?
Le travail est au croisement d’une activité privée et d’une activité sociale. Il s’exerce durant le temps de ma vie mais il ne concerne pas que moi car il engage une communauté d’hommes, qui me procure à titre de groupe mon travail, qui permet les échanges, qui développe les techniques dont je peux ensuite user à titre privé. Comme activité privée, le travail est tour à tour développement de soi et fatigue, effort sur ma paresse. Comme activité sociale, il est tour à tour perte de mon temps, captif des autres, des horaires, des objectifs qui me sont donnés, et promotion de ma petite personne à l’appartenance à une communauté. Cette quadruple opposition est-elle cause du sentiment souvent vécu du travail comme contrainte ? Pourtant, la contrainte véritable se joue dans la possibilité d’un passage à la limite : je ne suis contraint que là où mon acte s’accomplit sous peine de perdre la vie. C’est rarement le cas pour le travail. Faut-il changer le sens du mot « contrainte » ? Lui donner l’équivalent de celui de nécessité ou d’obligation ? On perdrait alors la spécificité du travail car on peut appeler nécessaires ou obligatoires des actes qui n’ont rien à voir avec lui, comme tomber d’une tour (nécessité de la pesanteur) ou ne pas mentir (obligation que je peux revendiquer comme mienne). On verra que la contrainte du travail ne concerne pas son exercice privé mais plutôt le rapport à autrui et plus largement à la communauté : il y aura contrainte là où le travail interdit la liberté, c’est-à-dire là où l’autonomie, la capacité à être l’auteur de la loi qui m’oblige, s’est volatilisé au profit de la soumission.
1) La contrainte n’est pas exercée par la nature sur le travail : ce serait confondre travail et nécessité.
a) le travail résout la difficulté de l’homme à survivre car la nature est avare de biens comblant mes besoins.
b) mais la nécessité naturelle ne peut être appelée contrainte : elle est la condition de