Le tribunal suprême de la principauté de monaco
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29 pages
Doctrine Le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco Roland DRAGO Membre de l’Institut de France Président du Tribunal Suprême Introduction On étonnera sans doute beaucoup de lecteurs en écrivant que le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco est la plus ancienne juridiction constitutionnelle du monde. Cette affirmation présomptueuse mérite évidemment d’être justifiée et précisée. On sait qu’en matière constitutionnelle, les spécialistes opposent le modèle américain au modèle européen (ou kelsenien) (1). Le modèle américain consiste à permettre à toute juridiction quelle qu’elle soit, et, au sommet, à la Cour Suprême des Etats-Unis, d’accueillir par voie d’exception l’inconstitutionnalité d’une loi dont dépend la solution d’un litige. Mais la Cour Suprême n’est pas, à proprement parler, un juge constitutionnel, d’abord parce que la Constitution n lui confère pas ce droit, ensuite et surtout parce qu’elle ne peut accueillir en droit un recours direct dirigé contre une loi et qu’elle est au sommet d’une hiérarchie juridictionnelle (2). Au XIXème siècle, et notamment en France, il était quelquefois soutenu que, comme aux Etats-Unis, les tribunaux devaient accueillir l’exception d’inconstitutionnalité contre les lois à l’occasion des litiges portés devant eux (3). M. Jean-Louis MESTRE a d’ailleurs montré récemment (4) que, contrairement à ce qui était jusqu’alors soutenu, la Cour de Cassation, à cette époque, acceptait souvent de débattre du problème de la loi inconstitutionnelle. Le modèle européen (ou kelsenien) consiste dans la création d’une juridiction spéciale compétente pour accueillir directement des recours dirigés contre des lois arguées d’inconstitutionnalité. Une fois cette définition minimale donnée, de nombreuses variantes sont possibles (personnes aptes à saisir le juge, époque de la saisine, etc...). Certes, on pourrait découvrir des antécédents de ce modèle dans la jurie