Le vempire baudelaire
Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon coeur plaintif es entrée ;
Toi qui, forte comme un troupeau
De démons, vins, folle et parée,
De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine ;
- Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,
Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
- Maudite, maudite sois-tu !
J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.
Hélas ! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'ont dit :
" Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,
Imbécile ! - de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire ! "
INTRODUCTION :
Chez Baudelaire, l'amour revêt deux formes : spiritualisé, il permet d'échapper au Spleen et d'atteindre l'Idéal; sensuel, en revanche, il conduit souvent à la passion et aux amertumes qui l'accompagnent. Loin d'apporter la paix, cet amour peut devenir synonyme de tourment et même de mort. La femme qui en est le vecteur est alors vue comme un être maléfique.
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Dans « Le Vampire », Baudelaire illustre ce thème et met en scène la plainte d'un homme sous l'emprise passionnelle. Il s'agit alors de voir comment le poème, sous couvert d'un propos hostile, est en réalité un témoignage amoureux et comment le poète transforme une plainte en un récit dont l'atmosphère est « infernale ».
Présentation :
Poème publié dans la Revue des Deux Mondes le 1° juin 1855 sous le titre La Béatrice, puis dans Les Fleurs du mal en 1857.
Il fait partie de la section Spleen et Idéal (poème XXIX), et appartient au cycle des poèmes amoureux consacrés à Jeanne Duval, « la Vénus noire », rencontrée en mai 1856 alors qu’il est âgé de 21 ans, et avec qui il aura une liaison orageuse jusqu’en 1856 (35 ans).
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Résumé