Le voyageur immobile
C'est dans cette épicerie que je venais m'embarquer pour les premiers voyages vers ces pays de derrière l'air. Tous les jeudis soir on me menait chez ma tante. C'était là, dans cette petite rue, une vieille maison obèse qui débordait l'alignement de tout son ventre soutaché de balcons de fer. Le couloir vous saisissait aux épaules avec des mains de glace, vous donnait d'une marche sournoise dans les jambes et, tout compte fait, vous poussait devant la porte de la cave. Je n'ai jamais connu de personne plus énervée ni plus aigre que cette porte de la cave. Elle tremblait dans un courant d'air perpétuel qui semblait monter du fond de la terre. Elle grinçait un: «Ah! bon, c'est ceux-là, ça va bien.» Et alors, en étendant les bras, on finissait par toucher la pomme de la rampe.
Là-haut, c'était une pièce comme un champ de manoeuvre avec, au fond, un petit feu d'âtre, un feu jouet, un feu enfant tout gringalet, pas sérieux pour un sou et qui se cachait en sifflant sous des bûches vertes encore humides de toute la sueur de la colline. La tante s'animait dans sa chaise avec un bruit de jupes froissées et de craquements de bois secs. Elle avait en nous regardant un sourd grognement de gros chat qui voit le papier de boucherie et sa grande voix d'homme se ruait tout de suite dessus ma mère pour un orage de questions et de