Lecture methodique le crapaud
Un chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
... Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif...
- Ca se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...
- Un crapaud! - Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... - Horreur ! -
... Il chante. - Horreur !! - Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son oeil de lumière...
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
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Bonsoir-ce crapaud-là c'est moi.
Ce soir, 20 juillet.
Lecture méthodique de ce sonnet particulier extrait des Amours Jaunes
Voici les principales différences avec Le Crapaud de Hugo, dont le côté glorieux est à l'opposé de tout déclin, de toute décadence qui apparaît ici en 1873 :
- Le ton n'est pas solennel mais ludique.
- La forme n'est pas celle d'un poème narratif moralisateur, mais d'un sonnet à l'envers ; d'où le vif octosyllabe contre le noble alexandrin.
- Seules des traces de Romantisme subsistent : point d'antithèse manichéenne et religieuse (qui convertit la méchanceté noire d'ici-bas en une bonté lumineuse et céleste), mais un vague clair de lune (v. 2), un chant de rossignol (v. 10) et les souffrances du "moi" (v. 13-14).
- Pas de clair récit cohérent mais des lambeaux de descriptions et des points de suspension qui instaurent le mystère ; explicite chez un auteur, implicite non-dit et sous-entendu chez l'autre (plus hermétique, donc).
- Hugo interpellait le philosophe ("Tu cherches ?"), alors que Corbière interpelle un interlocuteur anonyme ("Viens", "Vois").
- Utilisation d'un présent de V. G. chez Hugo alors que le présent de Corbière décrit sa situation actuelle (son maintenant).
- Ici identification finale au crapaud, ce qui n'était nullement le cas de Hugo ; l'animal reste négatif chez Corbière, ce qui n'était nullement le cas chez Hugo, optimiste.