Leon werth
Le journaliste René Delange présente Léon Werth à Antoine de Saint-Exupéry qui vient de recevoir le prix Femina pour Vol de nuit en 1931. Une grande amitié lie aussitôt les deux hommes. Saint-Exupéry qui a admiré Clavel soldat (un violent réquisitoire contre la guerre paru en 1919) dédiera Le Petit Prince à « Léon Werth quant il était petit garçon ». Ils dînent ensemble à Paris ou à Saint-Amour, résidence secondaire des Werth dans le Jura, chacun content de confronter leurs points de vue. À son tour, Léon Werth a la sensation que Tonio lui a « rendu sa jeunesse ».Leurs conversations sont à la fois excitantes pour l’esprit et joyeuses par la confrontation intellectuelle. Ses discussions avec Léon Werth sont à l’origine de réflexions sur la vocation de l’homme dans le monde, de principes d’économie politique et de considérations sur la guerre et le développement des sociétés. Antoine Saint-Exupéry affirme qu’il est « le fruit d’une civilisation », « le gardien d’une opinion particulière et profonde ». À Pâques 1939, Antoine se rend à Saint-Amour et les deux amis déjeunent à Fleurville, au bord de la Saône en compagnie de quelques mariniers. Antoine n’oubliera jamais ce moment qu’il retranscrira dans le chapitre III de Lettre à un otage. Lorsque la guerre éclate, Léon Werth fait jouer ses relations pour affecter son ami au Centre National de la Recherche Scientifique, et le mettre à l’abri des combats à venir :
« Ce risque, il le voulait, [note Léon Werth]. Que de fois avons-nous répété qu’il pouvait mieux servir que par l’exemple de sa mort. (…) Comme les autres risques, il veut non pas seulement l’affronter, c’est trop facile, mais le recueillir, l’enrichir de sa propre substance, le filtrer… » À la mi-octobre 1940, Saint-Exupéry retourne à Saint-Amour où Léon Werth (d’origine juive et communiste de surcroit), s’est réfugié. Il lui lit quelques pages de son manuscrit Citadelle. Léon Werth lui conseille de quitter la France et