Les 5 sens de la philosophie
La vue de Platon, un éblouissement
LE MONDE DES LIVRES | 23.07.09 |
"Il y a deux sortes de troubles des yeux et (...) ils se produisent suivant deux causes : lorsque les yeux passent de la lumière à l'obscurité, et de l'obscurité à la lumière." L'oeil se trouve donc perturbé par les changements d'intensité. Il doit s'accoutumer, venant de l'ombre, à la puissance du soleil, supportant mal l'éclat du jour, la force des couleurs, la roideur des contours. Inversement, une fois accoutumé à la vivacité, il ne discernera pas tout de suite les objets dans la pénombre.
Dans un sens comme dans l'autre, un temps d'adaptation se révèle nécessaire. Pendant quelques instants, dans les transitions, on est presque aveugle - et donc maladroit, tâtonnant, éventuellement ridicule. Un malaise s'installe, tant qu'on ne s'est pas habitué.
Tout le monde sait cela, pour l'avoir mille fois éprouvé et constaté sur soi-même. Voilà pourtant que, chez Platon, toute l'aventure philosophique se résume en un sens à cette affaire de double apprentissage de la vue. Nous qui sommes accoutumés à l'obscurité du monde, la clarté des idées commence par nous aveugler. La célébrissime "allégorie de la caverne" (République, livre VII) met en scène cette souffrance des prisonniers que l'on détache, que l'on force à quitter la pénombre, à marcher vers le haut, vers le dehors éclatant, à se tourner vers le monde des formes éternelles. Platon ne cesse d'insister sur l'acclimatation progressive à la grande lumière : les yeux familiers des ombres et des reflets commenceront par regarder dans les flaques, avant de pouvoir contempler le ciel.
L'oeil du philosophe, dans cette perspective, s'est accommodé. Il discerne nettement les formes réelles, les idées éternelles. Il endure finalement l'éclat du vrai. Et s'extasie de sa beauté. Mais dès qu'il redescend dans la caverne et sa pénombre, il commence de nouveau par ne rien voir. Platon ne permet pas au