À la charnière des années soixante-dix/quatre-vingt, les « années de plomb » et le passage à la lutte armée d’une partie de l’extrême-gauche ont profondément marqué l’Italie. La répression fut à la hauteur du défi lancé à l’autorité de l’État. Des dizaines de personnes furent tuées ou blessées des deux côtés ; plus de 20 000 furent poursuivies, 5 000 condamnées. Aujourd’hui encore, plusieurs centaines restent emprisonnées ou exilées. Pourtant, ces événements restent un élément refoulé dans la vie politique italienne, et leur véritable histoire reste à faire. P. Persichetti et O. Scalzone furent parties prenantes de cette histoire : le second, leader étudiant en 1968, fut l’un des dirigeants du mouvement « opéraïste », c’est-à-dire de l’un des principaux courants de l’extrême-gauche italienne ; le premier s’engagea dans les années quatre-vingt. Accusés tous deux d’actions terroristes, ils sont réfugiés à Paris depuis des années et y vivent dans une situation plus ou moins précaire (Persichetti est ainsi visé par un décret d’extradition, même si l’actuel gouvernement français semble décidé à ne pas exécuter cette décision.)
Les mouvements regroupés sous le nom générique de « Brigades rouges » n’ont pas grand-chose à voir avec ce qu’a représenté Action directe en France. Des dizaines de milliers de personnes sympathisèrent avec elles, notamment dans la jeunesse étudiante, marginale et ouvrière (les Brigades rouges furent un moment l’une des principales organisations politiques à la Fiat de Turin, l’équivalent de notre Renault Billancourt), et les études sur la composition sociologique de ce mouvement que présente le livre témoignent de son ancrage populaire. La lutte armée ne représenta d’ailleurs que l’aile la plus radicale d’un mouvement plus large, qui refusait toute médiation institutionnelle ou réformatrice. C’est pourquoi cette histoire ne saurait se comprendre en se contentant d’incriminer les dérives d’un petit groupe de « mauvais maîtres » ou en ayant