Les blettes picardes.

Un art populaire naïf et imaginatif

Souvent dénommées à tort "appelants", les blettes sont des leurres artificiels que le chasseur au gibier d'eau dispose dans la mare devant sa hutte pour attirer ("atriver" en picard) canards, oies et autres échassiers. Placées seules ou en groupes, ces blettes leur donnent l'illusion que des congénères se reposent dans un lieu hospitalier et les invitent à les rejoindre. Pour cela le huttier a aussi attaché ses appelants vivants dans la mare; leur chant sera déterminant pour la pose du gibier.
Cette technique de chasse n'est pas nouvelle et l'on suppose qu'elle existait à la fin du néolithique. Tous les pays d'Europe ayant une façade maritime la connaissent.
Selon la région, l'appellation du leurre diffère (mannequin, montre...) mais le terme français générique est "forme"; on l'appelle aussi "étombi" (engourdi, figé) dans la vallée de la Somme.
Dans son glossaire picard de 1851, l'abbé Corblet donne de "blettes" la définition suivante : "canards de terre servant d'appeaux". Par déduction, l'origine du mot pourrait donc être "bleste" qui désignait une motte de terre en vieux français.
Si de nos jours les blettes en plastique sont moulées industriellement, des générations de huttiers en ont réalisées eux-mêmes avec des matériaux faciles à se procurer sur place : bois, liège, balsa, roseau. Les flotteurs en liège des filets de pêche déchirés et rejetés sur la digue faisaient leur bonheur. Après la guerre 39/45 des passionnés, fondeurs ou serruriers du Vimeu, ont fabriqué des blettes en aluminium. Elles étaient entièrement moulées ou alors la tête seule (le plus difficile à réaliser) était fondue puis rapportée sur un corps en bois. Parfois le huttier doit s'adapter et quand sa mare gèle, ses blettes recouvertes de neige ou de givre ne sont plus visibles par le gibier. Il lui faut alors faire preuve de "gingin" (d'imagination) et fabriquer des blettes provisoires. Les vieux bas de laine troués