Les castrats
Lascia ch'io pianga de Haendel, extrait du film Farinelli (1994)- Carlo Broschi, (1705-1782)
Le castrat est la figure par excellence de la musique baroque et du bel canto [art du chant lyrique et de la recherche d’une grande virtuosité vocale] Il fascine. La raison en est simple : malgré les multiples prouesses informatiques effectuées à l’occasion du tournage du film Farinelli, en 1994, le médiocre enregistrement sur cylindre de cire du dernier castrat occidental, Alessandro Moreschi (1858-1922), et les personnalités lyriques actuelles qui tendent à une telle performance, rien ne nous permet désormais de nous délecter des sons extraordinaires qui émanent de sa gorge. En outre, cette personnalité hors du commun nous attire parce qu’elle nous apparait inhumaine, car privée de ce qui fait la virilité masculine, et surhumaine en raison de son timbre de voix unique, pouvant rivaliser de puissance avec une petite trompette. Le castrat est, à nos yeux, auréolé du mystère que lui procure sa condition . D’ailleurs, ne nous laissons pas aveugler par l’image laissée par le film de Gérard Corbiau : celle d’un castrat magnifique incarné par Stefano Dionisi. La castration enraye la croissance, et l'"homme" en conserve des séquelles : outre le son de sa voix, il est véritablement difforme. Ses membres sont grêles, sa peau imberbe et semblable à celle d’une femme. En revanche, sa taille est haute et sa cage thoracique masculine. Son physique est donc résolument disproportionné. Mais il envoûte tant son auditoire que celui-ci en oublie son physique ingrat, souvent atteint d’obésité, pour s’imaginer une créature divine.Nous aboutissons donc à une question délicate :sont-ils des monstres ou des créatures divines ?
La castration était pratiquée depuis des siècles dans les civilisations asiatiques ou orientales. Mais pour comprendre sa pratique en Occident, il faut se référer aux Saintes Ecritures : dans un passage de la première Epître de Saint Paul aux Corinthiens,