Les conspirateurs du tabac
LE MONDE CULTURE ET IDEES | 25.02.12 | 14h16
D'anciens fumeurs ou ceux fumant moins de dix cigarettes par jour n'ont pas paru avoir plus de risques.REUTERS/© Paul Yeung / Reuters
Stanford (Etats-Unis), envoyé spécial - Si vous souhaitez rester convaincu que l'on fume parce que c'est agréable et que c'est ainsi, tournez la page. Vous avez tout à perdre à lire ce qui suit. Mais peut-être avez-vous envie de savoir pourquoi les gens fument et pourquoi il leur est aussi difficile de s'arrêter. De savoir pourquoi autant d'entre eux devraient en mourir. Et de comprendre pourquoi tout cela nous semble aussi normal. Pour cela, il faut entrer dans la salle des machines de la plus vaste entreprise d'ingénierie du consentement jamais menée à bien. C'est un endroit compliqué. C'est un enchevêtrement d'hommes et d'institutions devenus les rouages d'une subtile mécanique, capable d'infiltrer la culture et la science, de subvertir la médecine et de corrompre en masse. Et, pour vous guider dans ce dédale, Robert Proctor est la personne qu'il vous faut.
Robert Proctor, 57 ans, n'est ni un conspirationniste ni un hygiéniste acharné. Historien des sciences, professeur à la prestigieuse université Stanford (Californie), il est l'auteur de Golden Holocaust, un livre qui paraît ces jours-ci aux Etats-Unis et qui inquiète sérieusement l'industrie américaine du tabac. Au point qu'elle a eu recours à toutes les voies légales pour tenter de mettre la main sur le manuscrit avant sa publication. Sans succès.
Qu'y a-t-il dans ce pavé de 750 pages qui trouble tant des géants comme RJ Reynolds ou Philip Morris ? Il y a leurs propres mots. Leurs petits et grands secrets, puisés dans les mémos et les messages internes, dans les rapports confidentiels, dans les comptes rendus de recherche de leurs propres chimistes, de leurs propres médecins. Le fait est peu connu en France : cette précieuse et explosive documentation – les "tobacco documents" – est publique depuis