les dimanches de Jean Dezert
Jean Dézert — il ne transige pas avec les traditions — avait sorti de son placard, pour venir faire une demande officielle auprès de M. Barrochet, le chapeau de soie dont il n'use qu'en de grandes circonstances. Si incrédule que son éducation laïque l'ait formé, il se découvrit avant de pénétrer dans la boutique, où s'étageaient en jardins suspendus les diveres catégories d'objets d'art que réclame le culte des morts. Le soleil, astre égalitaire, partageait alors, sans distinction, ses rayons de trois heures de l'après-midi entre les nombreux articles exposés derrière la glace de la devanture. Car on trouvait là (les prix encourageant toutes les bourses) depuis les humbles présents que la piété des indigents suspend aux croix de bois des cimetières suburbains, jusqu'à des emblèmes plus richement oeuvrés, destinés à l'ornementation de ces chapelles funéraires, où les privilégiés peuvent pleurer, à l'abri des intempéries, sur des concessions à perpétuité. L'ensemble scintillait vaguement et semblait se consumer d'un feu obscur, taché seulement, de distance en distance, par la blancheur d'une étiquette.
S'il n'a pas eu la destinée de l'Américain Bartleby (Melville), non plus que celle d'un Oblomov (Gontcharov) ou d'un Croquignole (Charles-Louis Philippe) — et ne parlons mêmes pas de celle des Écornifleurs à la Renard, des paludistes gidiens ou