Les dissertations
Justice et vérité
La vérité que Rousseau veut servir, à ce moment, est celle qui contribue au «bien public», c’est-à-dire à tous les individus, et de consacrer sa vie au service de la vérité,. On sait que Rousseau emprunte sa devise, vitam impendere vero (« consacrer sa vie à la vérité »), à Juvénal : placée en tête des Lettres sur la montagne, il a écrit déjà dans la Lettre à d’Alembert : « Vitam impendere vero : voilà la devise que j’ai choisie, et dont je me sens digne » .rousseau revient sur cette proclamation peut-être imprudente : est-il bien certain d’avoir toujours placé sa vie sous l’impératif inconditionnel de la vérité ? Un ami, l’abbé Rozier, s’était une fois adressé à lui, non sans souriante ironie : vitam vero impendenti, « à celui qui a entrepris de placer sa vie sous le signe de la vérité »… Un tel titre ne serait-il pas usurpé ? « Pourquoi ce sarcasme ? Quel sujet y pouvais-je avoir donné ? »
Pour être assuré qu’on ne ment pas, il faut se connaître soi-même. Qui jugera alors de la vérité de cette connaissance de soi par soi ? « Comment me constituerai-je juge de cette utilité ? » (1027), demande Rousseau, quand il croit pouvoir innocenter le mensonge dans les cas où il ne sem« Quand et comment doit-on à autrui la vérité ? » est la première des deux questions que se pose Rousseau (1026). la façon dont Rousseau lui-même pose la question est plutôt déroutante : alors qu’il répète volontiers qu’il n’écoute que son cœur, que « jamais l’instinct moral ne m’a trompé », quand il s’agit de savoir s’il est permis de mentir, ce n’est pas à la céleste voix de la