Les essais montaigne des cannibales
De la barbarie à l’âge d'or
L'ordre naturel
La description que donne Montaigne de la société des " cannibales " semble se référer à l'âge d'or, à celle époque où l'homme vivait en harmonie avec la nature, où celle-ci lui procurait tout ce dont il avait besoin et qui est l'équivalent du paradis biblique avant la Chute : " car ils jouissent encore de cette liberté naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires ". On voit ici comment le verbe " jouir " (même emploi : " heureusement jouir de leur condition et s'en contenter ") suppose un plaisir de vivre et implique une idée de bonheur ; comment la Nature est discrètement personnifiée dans la mesure où elle est perçue comme un actant, sujet du verbe " fournir " ; comment est soulignée l'insistance à travers le parallélisme de la formule " sans travail et sans peine " qui est un écho à la condamnation biblique qui pèsera sur Adam et Ève (travailler à la sueur de son front, enfanter dans la douleur). Enfin le caractère global de l'expression " de toutes choses nécessaires "malgré son indétermination, ou peut-être à cause d'elle, suppose, d'une part, des goûts en conformité avec la nature et, d'autre part, une générosité de la part de la mère Nature.
L'ordre de la mesure
Celle idée d'une conformité de l'homme avec la Nature est importante et Montaigne s'attache à la préciser : " ils sont encore en cet heureux point, de ne désirer qu’autant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent ; tout ce qui est au-delà