Les fables de la fontaine
On ne peut trop louer trois sortes de personnes : Les Dieux, sa maîtresse, et son Roi.
Malherbe (2) le disait ; j'y souscris quant à moi : Ce sont maximes toujours bonnes.
La louange chatouille, et gagne les esprits ;
Les faveurs d'une belle en sont souvent le prix.
Voyons comme les Dieux l'ont quelquefois payée. Simonide avait entrepris
L'éloge d'un Athlète, et, la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de récits tout nus.
Les parents de l'Athlète étaient gens inconnus,
Son père, un bon Bourgeois, lui sans autre mérite ; Matière infertile et petite.
Le Poète d'abord parla de son héros.
Après en avoir dit ce qu'il en pouvait dire,
Il se jette à côté, se met sur le propos
De Castor et Pollux ; ne manque pas d'écrire
Que leur exemple était aux lutteurs glorieux,
Elève leurs combats, spécifiant les lieux
Où ces frères s'étaient signalés davantage : Enfin l'éloge de ces Dieux Faisait les deux tiers de l'ouvrage.
L'Athlète avait promis d'en payer un talent ; Mais quand il le vit, le Galand
N'en donna que le tiers, et dit fort franchement
Que Castor et Pollux (3) acquitassent le reste.
Faites-vous contenter par ce couple céleste ; Je vous veux traiter cependant :
Venez souper chez moi, nous ferons bonne vie. Les conviés sont gens choisis, Mes parents, mes meilleurs amis ; Soyez donc de la compagnie.
Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur
De perdre, outre son dû, le gré (4) de sa louange. Il vient, l'on festine (5), l'on mange. Chacun étant en belle humeur,
Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte
Deux hommes demandaient à le voir promptement. Il sort de table, et la cohorte N'en perd pas un seul coup de dent.
Ces deux hommes étaient les gémeaux de l'éloge.